L'OTAN de Paix


 

 

 

En ces temps de célébration de l’anniversaire des 75 ans de l’OTAN, penchons-nous sur la Citadelle de Lille, « Reine préférée » de l’ouvrage du Maréchal Sébastien Le Prestre de Vauban (1633-1707), ingénieur architecte du roi Louis XIV.

 

Une longue (trop ?) visite guidée par le Lieutenant-Colonel, ingénieur en chef Patrick LAURENT, érudit d’histoire, nous en raconte beaucoup sur l’art militaire. Visite qui marque nos esprits (et, si j’osais Mon Lieutenant-Colonel, nos pieds aussi).

Revenons à l’ordonnateur de l’ouvrage, le roi Louis XIV (1638-1715), Louis Dieu Donné, « don de Dieu » pour sa mère Anne d’Autriche (1661-1666).
Marié à Marie Thérèse d’Autriche (1638-1683), infante d’Espagne, Louis XIV très avisé de son héritage par cette union, réclame à l’Espagne sa dote dévolue par son épouse, l’infante de première couche du roi Philippe IV d’Espagne (1605-1665). Les espagnoles refusant ce droit, c’est la déclaration de guerre de dévolution entre le royaume de France et les Pays-Bas espagnoles. Les troupes françaises entrent dans les Flandres comme dans du beurre, jusqu’aux portes de Lille en 1667. Le siège de la ville ne durera que 9 jours avant que le gouverneur Philippe-Hippolyte-Charles Spinola (1612-1670) ne cède les clefs (aujourd’hui exposées au musée de l’histoire de Lille à l’Hospice Comtesse).

Lille et ses contrées deviennent françaises. Au grand dam des flamands habitués à gérer à leur manière les affaires civiques sans l’aide d’un roi « soleil » sur un territoire clair obscure à la Rubens. La tension monte entre le peuple et cette nouvelle royauté. Ce qui fait qu’en plus de se préserver d’une invasion espagnole à l’Est, Louis XIV se voit obligé de surveiller une probable révolte des Lillois.
Pour se rassurer, il ordonne alors à Vauban une double ligne de système défensif constituant des places fortes, surnommée ensuite « pré carré » par le même protagoniste.
Autour des forts de « St-André », « Royale », « Gand » et « St-Sauveur », il décide d’ériger une citadelle à 600 mètres au nord-est de la ville, exacte distance d’un jet de boulet de canon.

Source gallica.bnf.fr Bibliotèque Nationale de France
Source gallica.bnf.fr Bibliotèque Nationale de France

 

 

Une centaine d’ouvriers et un millier de militaires s’affairent. On rase les maisons autour du lieu et on en récupère les plus belles pierres. On commande, en grosse quantité, des pierres calibrées des carrières de Lezennes. On fait installer 4 fours à briques qui fonctionneront jour et nuit.

Tout est méticuleusement consigné sur les carnets de Vauban car l’ouvrage coûte cher. Il gère d’ailleurs l’avancée de la construction bien mieux que son entente avec le mousquetaire du roi D’Artagnan (1611- 1673), alors gouverneur de Lille, trop fougueux aux yeux du vieux Maréchal de France.

Pensé pour résister à un siège de plus de 40 jours, l’ouvrage prend forme non en hauteur mais en largeur.
Bâti en pierre, tapissé d’une peau de briques rouges servant de protection aux tirs de boulets de canon, l’œuvre se déploie en courtines de 113 mètres de distance entre deux bastions. Le tout prenant la forme globale d’un pentagone entouré de douve remplie de l’eau de la Deûle dont Vauban aura eu le génie de dévier de son lit.

L’ouvrage est terminé en à peine trois années. Il accueille très vite l’infanterie du roi. Les hommes logeront au sein même du site et non plus en ville comme cela était la tradition avant Vauban. La caserne, du mot quaternus, quartier, est constitué de quartiers comprenant chacun un bâtiment autour d’une cour centrée par le mat au drapeau. Trois soldats se partagent le même lit selon le rythme des trois huit : Garde-Travaux de maintenance-Repos.

Très vite après la fin de la construction, Vauban quittera Lille pour le siège de Maastricht dont il en sortira vainqueur (Ce qui ne sera pas la destinée de D’Artagnan qui y perdra la vie). Grâce à la dote reçue par cette victoire, il achètera un domaine en Bourgogne devenu aujourd’hui le Musée Vauban.

 

Aujourd’hui, le site, classé monument historique, ne recevra pas l’inscription au patrimoine de l’UNESCO pour le surprenant motif du projet de l’aménagement du tramway prévu pour desservir le nord-est de la MEL.

 

Quant au site, il accueille 450 militaires cadres des armées venant se former avant de transmettre à leur troupes respectives l’art habile du maintien de paix aux 32 nations de l’OTAN.

Sophie CHICHE – Guide conférencière – Avril 2024