Après un premier article sur « Les Noëls allemands à Seclin 1914-1818 », nous poursuivons notre série mettant en valeur les documents de première main et propriété© de Jean Stéphane Hennion. Nous avons choisi d’évoquer les hauts gradés Allemands ayant séjourné et vécu dans notre ville.
Le premier militaire qui nous intéresse est Maximilian VON LAFFERT.
Né le 10 Mai 1855. Il occupa Seclin avec ses Saxons du XIXe A.K jusqu’en 1917. Malade, il retourne en Allemagne où il décède d'une crise cardiaque le 20 Juillet 1917. Mais pour que ce militaire puise avoir vécu sur Seclin, encore fallait-il que l’armée allemande s’empare de notre secteur et c’est justement le rôle qu’a joué notre premier protagoniste.
Par un enchainement d’événements trop longs à développer ici, les alliances militaro-diplomatiques débouchent sur une mobilisation des cinq
grandes puissances européennes entre le 30 Juillet et le 4 Août 1914. Le plan allemand établi par les généraux Schlieffen et Moltke fait attaquer le Royaume de Belgique (neutre depuis 1831) dès
le 4 Août afin de prendre à revers le dispositif français (plan 17) établi face aux frontières du Reich. Malgré une belle résistance de la petite armée de Belgique, les Allemands réussissent à
percer les lignes aux frontières et se concentrent dans un mouvement visant à englober et prendre Paris. La mythologie nationale forgera l’image miraculeuse des taxis parisiens qui permirent
d’arrêter in-extrémis les Allemands lors de la première bataille de la Marne du 6 au 9 Septembre 1914 sur une ligne de 225 km de long.
Dans ce premier temps et premières semaines, le Nord et Lille sont relativement épargnés par les combats. De toute façon, l’état-major français avait pris la décision qu’il ne défendrait pas la capitale des Flandres, la déclarant dès le 1er Août « ville ouverte ». Bien que ceinturée en 1914 de murailles héritées de Vauban avec 13 Portes (Roubaix, Arras, Douai, des Postes...) et plus récemment d’une série de treize forts (dont celui de Seclin) imaginés et conçus par le Général Séré de Rivière, la ville de Lille n’est pas défendable. Les techniques et les armements modernes ont rendu caduques toutes ces défenses.
La bataille des frontières puis la marche frénétique des allemands vers Paris délaisse donc Lille qui voit tout de même passer 3 à 4 000 casques à pointes entre le 2 et le 5 Septembre, puis quelques anglais le 6 et un détachement de cavaliers allemands à nouveau le 11. A Seclin aussi les 5, 10 et 11 Septembre, on voit passer quelques détachements de Uhlans qui ne restent que le temps de se réapprovisionner ! A ce sujet, l’écrivain Maxence Van Der Meersch se rappellera cette scène : « J’ai vu arriver dans Roubaix les premiers Uhlans, quatre grands gaillards montant de fines bêtes, le casque en tête ; le grand manteau gris rejeté sur l’épaule, et la lance dans le botte. Et je me souviens que l’un d’eux, le chef, s’approcha de la vitrine d’une pâtisserie, passa le buste sans descendre de cheval par la porte ouverte, piqua une tarte du bout de sa lance, et de jeta de haut, en s’en allant, une poignée d’argent à travers la boutique. Cela avait quelque chose de brutal, d’héroïque et de romanesque… »1.
Après s’être vu stopper sur la Marne, les Allemands vont remonter vers le Nord afin d’éviter un mouvement de contournement des armées françaises et britanniques, c’est ce qu’on appellera « la course à la Mer ». Un mois durant, chaque armée n’arrivant pas à déborder l’autre ou à l’arrêter se créera à son terme une ligne de front longue de 900 km allant des Vosges aux plages de Belgique. C’est dans ce moment d’une guerre encore de mouvement que se fera la prise de Lille et l’établissement de forces militaires allemandes à Seclin et sur près de 80% du département du Nord. Lors de cette remontée, la défense du département est faible d’autant plus que Maubeuge, ville fortifiée et point stratégique a capitulé le 8 Septembre ; notons que les 47 000 soldats français tinrent 15 jours et permirent de garder sur place 60 000 Allemands qui auraient pu faire la différence sur la Marne !
On l’a vu plus haut, Lille bien que ceinturé de forts plutôt récents et entourée de murailles, n’a pas la capacité de se défendre et les plans n’avaient pas prévu cette éventualité. Pourtant les 4 000 hommes du Lieutenant-Colonel Félix de Pardieu (1861-1937) tinrent tête du 2 au 13 Octobre à la Ve Armée de Rupprecht de Bavière2. Intégré au dispositif d’attaque de Lille après la Marne, Maximilian Von Laffert et son 19e Corps d’Armée (XIX A.K) Saxon de cavalerie pénètre dans une ville de Lille où 2 000 maisons sont par terre et où on dénombre 200 morts et 300 blessés. Cette capitulation se fait avec les honneurs puisque Félix de Pardieu se voit remettre son épée par celui qui vient de le vaincre. Ces mots chevaleresques de Rupprecht de Bavière : « M. le Colonel, je suis heureux de vous rendre votre épée, gage de votre vaillance, en témoignage de l’héroïsme dont vos troupes ont fait preuve », ne peuvent toutes fois faire oublier un crime de guerre régional : la mise à feu et à sang d’Orchies par le major Von Mehring.
Pour Lille et sa proche région commençait une occupation de quatre années. Le film ci-dessous est un montage de diverses bandes filmées. Après des scènes du côté britannique, on trouve entre autre une vidéo (à partir de 4.56) où l’on voit des civils lillois faisant la queue pour un ravitaillement et à la toute fin (9.39) un aéropage d’officiers autour de notre Maximilian Von Laffert.
Hermann VON FRANCOIS, né le 31 Janvier 1856. Mort en 1933. Présent à Seclin durant l’année 1915.
On schématise souvent rapidement les belligérants défendant chacun la terre de leurs ancêtres, pourtant la généalogie révèle que certains grands militaires portant le casque à pointe avaient du sang français. C’est le cas de notre Von François dont l’ancienneté au sein de la noblesse d’épée (issu de Bugey dans l’Ain) remonte au moins de XIVe siècle. Les Von François se convertirent au protestantisme au XVIe. Devenu des Huguenots, ils furent obligés à la révocation de l’Edit de Nantes en 1685 de fuir les terribles Dragonnades. Une émigration non négligeable pour l’époque, on estime que 150 à 200 000 protestants fuirent le Royaume, ils étaient souvent fort qualifiés et parmi les forces vives du pays. Si certains allèrent jusqu’en Afrique du Sud, cette émigration fut principalement européenne. 60 000 d’entre eux se réfugiant dans les différents états allemands et pas moins de 35 000 à Berlin.
Un autre célèbre militaire allemand de la Grande Guerre revendique lui aussi une origine française, il s’agit de Lothar Eugen von Arnauld de La Perière. Son arrière-grand-père catholique émigra pour des raisons professionnelles, se mettant au service de l’armée de Fréderic de Prusse. Arnauld de la Perière s’illustra comme le plus grand sous-marinier de la Grande Guerre avec 193 navires coulés.
Dans un cas comme dans l’autre, nos deux éminents militaires du 2e Reich sont indéniablement de fidèles serviteurs d’une armée allemande maintenant nationale depuis l’unification de 1870.
A 58 ans, Hermann Von François a gravi tous les échelons du commandement. Le 1er Août 1914 il est à la tête du 1er Corps d’Armée au sein de la 8e Armée affectée à la défense de la Prusse Orientale. Son courage et sa ténacité face à une armée Russe Tsariste, plus combattive et plus rapidement mobilisée que ce qu’avait planifié le Haut Commandement Allemand, permettront en partie de la contenir et de la battre à Tannenberg entre le 26 et 29 Août 1914. Mais c’est le nom de Hindenburg que l’Histoire a retenu comme principal acteur et stratège de cette déterminante première grande victoire allemande de la Grande Guerre.
Von François est ensuite mis un temps en réserve de commandement avant d’être rappelé. Son action lors de l’offensive de Gorlice-Tarnow, toujours sur le front est, lui permet d’obtenir le 14 Mai 1915 l’ultime distinction militaire allemande : l’Ordre du Mérite.
Le 29 Juin 1915 il obtient le commandement du VIIe Armee-Korps au sein de la 6e Armée du Konprinz Rupprecht von Bayern (le même que celui évoqué lors de la prise de Lille en 1914) qui occupe notre secteur. Il arrive courant Juillet 1915 dans la région. Depuis presque un an, les Allemands ont eu le temps de fortifier leurs positions, ainsi l’offensive franco-britannique connue sous le nom de bataille de Loos-en-Gohelle du 25 au 28 Septembre 1915 sera un quasi échec. Au cours de celle-ci tombe le fils unique de Rudyard Kipling, mais aussi le grand-père du Beatle George Harrison. Ils reposent à quelques mètres l’un de l’autre dans le cimetière du Commonwealth St Mary’s entre Hulluch et Vermelles.
Recherche et rédaction : Maxime CALIS - guide-conférencier - Office de Tourisme Seclin & Environs
* Toutes les copies, reproductions ou recadrages des documents portant mention "OT - JHS"© sont strictement interdites à défaut d'en avoir informé l'Office de Tourisme et d'en avoir obtenu l'autorisation.
Source :
1. « Souvenirs d’un petit bonhomme en blouse de marin à col bleu », Le Figaro – 1935
2. Histoire complète des événements : A. LIENART – Le sort de Lille en 1914 – Revue du Nord – Tome 47 – n°186 – p. 461 à 489 + http://lagrandeguerre.cultureforum.net/t81304-lille-12-octobre-1914
Écrire commentaire
Monique Crespel (jeudi, 30 mars 2017 17:28)
Merci Maxime pour ce nouvel exposé sur cette période 1914-1918 à Seclin ainsi qu'à Jean Stéphane Hennion qui a permis par les documents en sa possession d'agrémenter ces pages.
A bientôt pour la
Monique Crespel (jeudi, 30 mars 2017 17:34)
A bientôt pour la seconde partie.