Les vers de la célèbre chanson, interprétée par Françoise Hardy, Mon Amie la Rose : « On est bien peu de chose / Et mon amie la rose / Me l'a dit ce matin / Vois le dieu qui m'a faite / Me fait courber la tête / Et je sens que je tombe / Et je sens que je tombe / Mon cœur est presque nu / J'ai le pied dans la tombe / Déjà je ne suis plus (…) » nous ont donné l'envie d’évoquer l’œuvre botanique d’une bourgeoise de Seclin.
Lors d’une excursion sur Seclin le Jeudi 20 Juin 1901, les membres de Société de Géographie de Lille visitent la filature de lin et d’étoupes de M. Claude Guillemaud aîné. En terminant cette visite forte instructive sur l’un des fleurons de l’industrie seclinoise d’alors, le narrateur Ernest Nicolle mentionne l’objet de cet article.
« (…) Après cette instructive séance de filature, notre attention est sollicitée par un autre genre de production, celle des fleurs, dans le jardin de Madame Guillemaud la Mère, et en particulier des roses en buissons sans nombre, en pleine floraison, et dont il y a plusieurs centaines d’espèces luttant de beauté ; c’est à faire pâlir les massifs azalées du lac de Côme. Madame Guillemaud, complimentée sur sa culture, répond modestement qu’elle a un bon jardinier. Comment, en effet, pensons-nous, le jardinier1 de Madame Guillemaud se serait-il pas bon ? (…) ».
Madame Catherine Marie Anne Guillemaud, née le 1er Décembre 1833, mère de Claude Guillemaud aîné, est une Seclinoise issue d’une famille de brasseurs, les Descloquemant. Veuve depuis 1888 du fondateur de la filature, elle habite juste à côté de son fils qui a brillamment repris le flambeau.
Le recensement de 1906, nous précise qu’au n°110 rue de l’Hospice, Catherine qui est déjà âgée de 73 ans bénéficie de l’appui de Joséphine sa cuisinière et deux femmes, toutes deux prénommées Marie et originaires de Bavay, l’une étant sa femme de chambre, l’autre sa garde-malade. On peut se l’imaginer, frêle et fragile, au milieu de ses parterres qui seront son réconfort. Elle trouvera la mort dix ans plus tard, le 21 Avril 1916 alors que sa ville est occupée par les allemands.
La « main verte » de Madame Guillemaud Mère suit la mode qu’affectionne la bourgeoisie d’alors, qui pour passer son temps s’était lancée dans une « guerre des roses ». La première rose moderne, celle que l’on aime encore de nos jours, est dans la race des « Hybrides de Thés » et porte le nom de « La France ». Cette création du Lyonnais Jean Baptiste Guillot en 1867 réunissait les qualités des anciens et des nouveaux spécimens. « Ce premier hybride de thé « La France » avait toute la délicatesse, la subtilité, l’élégance ; des hybrides remontants, il avait la rusticité, en même temps qu’une floribondité abondante » d’après François Joyaux. C’est du moins notre cocorico franchouillard dans l’histoire des Roses, car les Anglais tiennent à préciser qu’ils avaient mis au point une rose moderne dès 1815, la « Brown Super Blush » qui fut, précisons le, très éphémère.
Notre rose Seclinoise connaitra son petit moment de gloire en 1902. Catherine se met en relation avec M. André Schwartz, fils d’un célèbre rosiériste. Celui-ci juge son Hybride de Thé capable de concourir et la présente au milieu d’autres spécimens. On en trouve trace dans le compte-rendu d’une exposition horticole s’étant tenu du 11 au 15 Septembre 1902 au Palais de Glace de Lyon, capitale de la Rose. Le journaliste écrit : « dans les roses hybrides de thé (…) nous notons dans les variétés de 1902, Madame Claude Guillemaud, jolie fleur blanc crème et surtout beau bouton blanc (…) ». Schwartz est hors concours en 1904 pour l’Exposition Internationale de Lyon, mais si La Madame Claude Guillemaud est là, c’est anonymement, une rose parmi tant d’autres, son heure de gloire semble déjà passée après avoir pourtant brillé aux éclats au sein du Parnasse de la Roseraie.
Pour qui aime les roses, nul ne peut ignorer l’exceptionnelle œuvre de M. Jules Gravereaux, créateur de la célèbre Roseraie de l’Haÿ (Seine) connu de nos jours comme La Roseraie du Val-de-Marne. Imaginez un jardin en forme de triangle rythmé par des tonnelles pergolas sur 2 320 m2 où s’exhalent les parfums de 4 000 variétés de rosiers cultivés et 900 rosiers sauvages. Ce « jardin extraordinaire » se divisant en trois collections : botanique, horticole et particulière. Un sacré tableau parmi lequel au sein de la seconde collection2 (roses cultivées), au cœur de la section 3, pu s’épanouir la Rose Claude Guillemaud portant le numéro 2 292. Elle sera de nouveau référencée en 1906 par Léon Simon dans sa Nomenclature de tous les noms de Roses. L’ultime trace documentaire se trouve dans un catalogue de la Roseraie de Bagatelle de 1910-1911, on y précise que les « rosiers que tous les visiteurs peuvent suivre et étudier sont examinés pendant deux années avant d'être classés, et d'être, suivant leurs mérites, admis ou non dans la roseraie ». La Claude Guillemaud est aujourd’hui absente du glossaire très détaillé du jardin de l’Haÿ.
A présent, vous aurez une image réelle pour personnifier la rose du texte de Cécile Caulier et une pensée en traversant l’ancien jardin de Catherine aujourd’hui appelé le « parc des Epoux Rosenberg ».
Rédaction et mise en page : Maxime CALIS, Guide-Conférencier – Office de Tourisme Seclin & Environs – Septembre 2016.
Note :
1. Recensement 1906 : n°61 rue Carnot, Guillaume-César ANSSENS (né à Gand en 1848), chef jardinier chez Veuve Guillemaud. Outre sa femme Léontine Charlier et son fils Ernest (soit dit en passant maire de Seclin de 1935 à 1945), il y a également sa mère Thérèse De Coock née elle aussi à Gand en 1813.
Il sera décoré Chevalier du Mérite Agricole le 4 Août 1912 puis élevé au grade d’Officier lors de la promotion du 14 Juillet 1932.
2. « Cette collection, que M. Gravereaux avait commencée avant la précédente, compte à l’heure actuelle plus de 3 000 variétés, parmi lesquelles on trouve avec plaisir un certain nombre d’anciennes roses qui ont à peu près disparu des collections ordinaires, mais dont l’intérêt est encore grand. Il sera intéressant de voir les résultats qu’obtiendra notre collègue au point de vue de l’adaptation des différentes variétés au climat parisien. Là encore, un ordre parfait est la règle ; l’étiquetage, de couleur différente, permet de voir au premier coup d’œil à quelle section se rapporte la plante envisagée. » Octave Meyran – Visite à la Roseraie de l’Haÿ – Journal de la Société Nationale d’Horticulture de France – 4e série – Tome 1 – Janvier 1900
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Delahaye Philippe (lundi, 16 juillet 2018 19:16)
Bonjour
Je suis très intéressé par cet article
Y a t`` il plus d informations sur la rose de C Guillemaud ?
Est elle encore cultivée ?
Pouvez vous me contacter au 0786992634?
Très cordialement