A la veille du conflit, l’Hôpital Notre-Dame, avait définitivement acquis l’aspect architectural qu’on lui connait de nos jours. Pourtant, il s’en fallut de peu que ce «joyau» de Seclin ne
disparaisse à jamais.
Voici son histoire, et surtout celle de son personnel dévoué.
Le XIXe siècle avait entamé la rupture avec les anciennes techniques et pensées archaïques, en matière de médecine, héritées de l’Antiquité et de la période médièvale.
Avec l’architecte Charles-Alexandre Marteau, l’aspect du site allait devenir tel qu’on le connait encore de nos jours. Mais déjà, il n’avait plus rien à voir avec son ancêtre, le premier hôpital
fondé par la Comtesse Marguerite en 1246. Que ce soit la chapelle-église, la salle des malades ou la cour intérieure, tous ces bâtiments étaient postérieurs au XVIe siècle.
Avec l’abandon de la salle des malades au profit de chambres individuelles dans les étages ou l’aménagement de premiers pavillons dits «hygiéniques», Seclin se dotait d’une structure
hospitalière,
encore modeste certes (158 places en 1900) mais qui emboîtait le pas aux innovations et aux découvertes médicales et sanitaires de la fin du XIXe siècle.
A la veille du conflit, un personnel médical diplômé côtoyait toujours la communauté des Sœurs Augustines. Ces éternelles gardiennes de la tradition hospitalière, tant seclinoise que flamande,
étaient placées sous l’autorité de la Prieure, Sœur Marie-Saint-Cyr.
Mais les réformes apportées au sein des hôpitaux avaient imposé un contrôle administratif laïc, rôle alors dévolu à l’économe, M. François Lesaffre.
Cet homme était en place à son poste depuis 1904. Lorsque la mobilisation le rappela sous les drapeaux, il fit son devoir mais on lui confia la mission de retourner à Seclin, où vu son âge et son
expérience, il serait certainement plus utile pour gérer l’afflux des blessés en provenance du front de Belgique.
Effectivement, ce furent des soldats français blessés qui furent accueillis et soignés dans les premières semaines. Mais l’arrivée des Allemands et l’occupation inéluctable de Seclin faisant
craindre à leur arrestation, voire pire, les Sœurs et M. Lesaffre firent disparaître les traces des uniformes en les brûlant et en jetant les insignes militaires au fond du puits. Treize soldats
français furent ainsi escamotés à la vue des Allemands, en leur fournissant des vêtements civils.
Une fois cet acte fait, pour les Sœurs Augustines et M. Lesaffre, la réquisition des bâtiments et son utilisation sous l’appellation «Lazarett» commençait.
De gestionnaire de l’Hôpital, les seclinois ne purent que subir les constantes réquisitions ou demandes des services militaires médicaux allemands.
Les déménagements se succédèrent sans fin pour M. Lesaffre et les Augustines, qui pourtant continuèrent leur métier. Pour aider aux soins apportés aux innombrables soldats en provenance du front
du proche, leur furent adjointes des femmes de la Croix-Rouge allemande.
Dans un premier temps, les anciennes fonctions d’accueil des civils français, malades ou vieillards d’avant la guerre se poursuivirent tant bien que mal. Mais tout cela ne pouvait durer. Le
nombre sans fin des blessés du front laissa au fil des mois, de moins en moins de place aux civils, obligés alors de rester à domicile. En mars 1915, en une journée furent accueillis environ 200
hommes ; ils étaient les victimes de la bataille de Neuve-Chapelle qui tua, blessa et fit disparaître en seulement deux jours près de 22 000 hommes.
Aux blessures physiques, aux conditions terribles du ravitaillement, vinrent s’ajouter les réquisitions de plus en plus importantes. Le cuivre, la laine des matelas, tout était progressivement
enlevé... même les femmes de la Croix-Rouge allemande en étaient victimes.
Après ces longs mois d’occupation, la situation évolua de manière très rapide à compter des mois de septembre et octobre 1918.
Contrairement au reste des habitants, les Sœurs, M. Lesaffre et des malades gravement atteints par la dysenterie restèrent dans les murs. Les archives furent cachées dans les caves.
Le docteur Calmette, ami de Lesaffre, le mit en garde, mais rien n’y fit, tout le monde souhaitait rester. Ce «rempart humain» eut raison des injonctions des officiers allemands qui pour faire
comprendre le danger avaient placé des explosifs autour des bâtiments. L’un d’eux lança : «Morgen lazarett kapout !»
Mais rien ne sauta. La nuit du 16 au 17 Octobre 1918 marqua le départ des allemands et l’arrivée des forces britanniques. Le maire ayant été évacué comme les habitants, on chargea le personnel de
l’Hôpital de prendre en charge la réorganisation de la ville, de préparer avec des moyens limités les repas des Seclinois qui, libérés, revenaient. Ainsi jusqu’au bout, l’Hôpital se montra digne
de sa mission.
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